« ADN » de Maïwenn : Retour aux origines

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Après le génial Polisse et le troublant Mon Roi, Maïwenn signe un film très personnel et intime, à la limite de l’autobiographie. La réalisatrice et actrice française approfondit un projet déjà entamé avec Pardonnez-moi (2006), son premier long-métrage : faire un portrait de famille.

Le point de départ est bon, bien que récurrent au cinéma : la difficulté de traverser un deuil, en particulier dans une famille pleine de failles. Quand Emir (Omar Marwan), le grand-père de Neige (Maïwenn), décède, il laisse un énorme vide derrière lui, et sa famille, déjà fragile, se fissure davantage. Tout le monde va se disputer pour des futilités, comme quand il faut organiser les funérailles – on retiendra cette scène absurde du choix du bois pour le cercueil, alors que le corps du défunt sera incinéré. Mais le spectateur sent bien que les rancœurs étaient déjà là avant…

Chez Neige, le deuil tourne à l’obsession : elle s’habille avec les vêtements de son grand-père, renifle le pyjama qu’il portait le jour de sa mort… et finira par faire des recherches poussées sur son ADN, voulant soudainement tout connaître sur ses origines. Elle se passionnera alors pour l’histoire de l’Algérie, le pays d’Emir, qu’elle avait finalement peut-être un peu mis de côté jusqu’à sa disparition.

A travers le spectre de sa propre vie, Maïwenn brosse le portrait d’une famille déchirée, qui finalement ressemble à beaucoup d’autres (la vôtre aussi ?) : une mère toxique, superbement incarnée par Fanny Ardant, un père absent et cynique, un frère cruel… entre autres. La réalisatrice propose donc au spectateur un processus d’introspection : une démarche intéressante.

Fanny Ardant, Dylan Robert, Omar Marwan et Caroline Chaniolleau

C’est la quatrième fois en cinq films que Maïwenn se met en scène dans ses propres longs-métrages, et on se rend compte que cette fois, ce choix était plus risqué. Si elle est convaincante devant la caméra dans le rôle de la jeune femme mélancolique et déboussolée, on préfère tout de même quand elle raconte « les histoires des autres », comme dans Mon Roi, ou se met en retrait, dans la peau d’un personnage plus discret, comme la photographe dans Polisse. De la même façon, il aurait été intéressant d’explorer davantage le personnage de Kevin, le cousin de Neige, très présent au début du film, auprès de son grand-père dans la maison de retraite, et qui disparaît presque totalement par la suite… Un personnage brillamment interprété par Dylan Robert, ce jeune talent marseillais découvert dans Shéhérazade.

S’y ajoutent quelques petites imprécisions côté scénario : pour notre part, on met du temps à identifier certains personnages, notamment les deux frères de Neige. Certains éléments de sa vie personnelle restent flous : est-elle célibataire, divorcée, ou séparée ? Qui est vraiment François (Louis Garrel) : son meilleur ami ou son ex ? Tout cela n’est pas très clair…

Bien que Maïwenn ait co-écrit le scénario d’ADN avec Mathieu Demy, son film est très autocentré, mais pas toujours dans le sens négatif du terme : on sent que ce projet lui tenait vraiment à cœur, qu’il représentait quelque chose d’important pour elle, comme une quête personnelle. On partage cette quête avec plaisir, même si ce film n’est pas à visionner pour se changer les idées… seulement pour se rassurer sur le fait que l’herbe n’est pas plus verte ailleurs.

14 /20

Sélection officielle Cannes 2020

De gauche à droite : Maïwenn, Henri-Noël Tabary, Caroline Chaniolleau, Dylan Robert, Fanny Ardant et Louis Garrel

Fanny BL

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