Ecoutez d’abord le petit podcast ci-dessous :
.
Après Petit Paysan, Au nom de la terre et Revenir, place à La Terre des hommes, le petit dernier à aborder le thème de l’agriculture. Plus qu’un film social sur les difficultés financières dans ce métier, ce thriller dénonce aussi le harcèlement sexuel, à travers l’histoire d’une jeune femme qui tente d’évoluer dans un monde paysan totalement régi par les hommes.
.
Constance (Diane Rouxel) est fille d’éleveur. Avec son fiancé Bruno (Finnegan Oldfield), elle veut reprendre l’exploitation de son père en Bourgogne pour la sauver de la faillite. Mais il faudra s’agrandir, investir, et s’imposer face aux grands exploitants qui se partagent la terre et le pouvoir. Constance obtient le soutien de l’un d’eux, Sylvain (Jalil Lespert), un homme influant et charismatique. Ce dernier va peu à peu imposer son désir au milieu des négociations.
Elle s’était déjà fait remarquer dans La Tête haute d’Emmanuelle Bercot (2015), en décrochant presque le César du meilleur espoir féminin, mais surtout dans Volontaire d’Hélène Fillières (2018), où elle incarne un rôle très semblable à celui de La Terre des hommes, à savoir une jeune femme solide et persévérante. Diane Rouxel incarne Constance, un petit bout de femme dotée d’une grande force de caractère, qui devra se battre pour tenter d’exister dans un milieu masculin et sexiste. L’actrice de 28 ans fait preuve, une fois de plus, d’un grand talent. Nul doute qu’elle ira loin dans sa carrière.

.
Face à elle : un Jalil Lespert très performant et effrayant dans le rôle de Sylvain, cet homme puissant et manipulateur, pourtant très sympathique en apparence, lumineux et admiré de tous, y compris de Constance. Cette dernière a besoin de lui pour faire avancer son projet professionnel, qui les implique totalement, elle et sa famille. Elle voit Sylvain comme un sauveur, et a peur qu’il ne veuille plus l’aider si elle se refuse à lui.
Cela nous conduit au point d’orgue de La Terre des hommes : une scène de viol comme on en rarement vu au cinéma jusqu’ici. Cette séquence est choquante uniquement pour ce qu’elle est, sans artifice. Sans avoir besoin de tout montrer ou d’exagérer. C’est la situation elle-même qui est horrible. Il n’y a ni cri, pleurs ni résistance… Juste une simple phrase prononcée à demi-mot par la victime : « Arrête s’il te plaît », qui ne parviendra bien sûr pas à stopper l’agression. Tout le prisme de cette scène est basé sur la manipulation psychologique et l’emprise d’un homme de pouvoir sur une jeune femme en position de faiblesse. Le scénario est bien ficelé : on voit le piège se refermer très progressivement sur la victime, et la difficulté pour elle d’en sortir, même après le viol, puisque le cauchemar recommencera plus d’une fois.

.
Seul hic : le film se concentre surtout sur ce pan de l’histoire, et moins sur le monde agricole, avec ses difficultés du quotidien. Cette thématique est expliquée peut-être un peu trop vite, et est finalement assez peu montrée à l’écran, hormis le marché aux bestiaux, sorte de vente aux enchères pour les éleveurs. Deux ou trois scènes sont consacrées à ces impressionnantes transactions, et on comprend à quel point la situation est pénible pour cette filière, surtout sur le plan financier. Autrement, à part voir Diane Rouxel distribuer des bottes de foin à des vaches et manquer de se faire écraser par un taureau, on a du mal à s’imaginer à quoi ressemble son travail au quotidien.
Mais cela n’enlève rien à l’intérêt et à la qualité du film, qu’il est important de voir pour ses deux rôles principaux, superbement interprétés par Diane Rouxel et Jalil Lespert, mais aussi pour son sujet brûlant, admirablement – et encore trop rarement – abordé de cette manière : avec une grande part de réalisme et un formidable don d’empathie de la part du réalisateur.
17+ / 20
Sélection Semaine de la Critique – Festival de Cannes 2020

Fanny BL
Votre commentaire