« Tori et Lokita » : La critique + L’interview de Jean-Pierre et Luc Dardenne

Casting, thèmes du film, Festival de Cannes 2022… Luc et Jean-Pierre Dardenne nous disent tout !

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« Tori et Lokita » de Jean-Pierre et Luc Dardenne : Quand la noirceur s’enracine

Après l’islamisme radical dans Le Jeune Ahmed (2019), Jean-Pierre et Luc Dardenne s’attaquent à la migration, en particulier à la condition des mineurs isolés en Belgique, à travers deux personnages solaires. Criminalité, trafics de drogue, abus sexuels… Bienvenue en enfer.

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Un garçon (Pablo Schils) et une adolescente (Joely Mbundu) venus seuls d’Afrique enchaînent les petits boulots plus ou moins légaux pour pouvoir rester en Belgique, avec un objectif : obtenir des papiers d’identité. Leur invincible amitié leur permettra de faire face aux difficiles conditions de leur exil… pour combien de temps ?

Tori et Lokita est un film des premières fois : c’est la première fois que Jean-Pierre et Luc Dardenne filment deux personnages principaux ensemble, en tous cas deux enfants. C’est aussi la première fois, selon leurs dires, que les cinéastes font appel à des acteurs non professionnels pour interpréter les deux héros. Enfin, il y a une première fois, au niveau du scénario, qu’on ne dévoilera pas pour ne pas spoiler… En somme, un vent de nouveauté souffle sur ce 13ème long-métrage.

Voici ce qui ne bouge pas : comme à leur habitude (Rosetta, Le gamin au vélo…), les frères Dardenne filment leurs acteurs caméra au poing, au plus près des visages, ce qui, comme toujours, renforce la sensation d’angoisse et d’étouffement causée par l’histoire du film, déjà pesante. Les réalisateurs nous montrent deux personnages qui se complètent, car reliés par un passé douloureux et un destin similaire. Tous deux entretiennent presque une relation mère-fils : l’un protège l’autre. Mais en vérité, Tori et Lokita est un film sur l’amitié : le garçon et l’adolescente sont deux solitudes qui ne peuvent vivre que si elles sont unies.

Pablo Schils et Joely Mbundu © Christine Plenus

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L’angoisse, elle sera présente tout au long du film. Une sensation de malaise, aussi, qui vous tiendra aux tripes jusqu’au générique de fin, après un point d’orgue surprenant. On ressent beaucoup d’empathie pour ces pauvres gamins qui tentent juste de se faire une place dans la société. C’est tragique, d’autant plus que cette histoire est en phase totale avec l’actualité. On ressent donc beaucoup d’injustice, aussi.

Car les détracteurs de ces deux jeunes migrants ne sont pas uniquement ceux que l’on croit : il y a la police, les juges, et les criminels, mais aussi des personnes inattendues qui profitent de la faiblesse des petits héros, comme les gens d’Église, qui rackettent impunément Lokita… ou même la mère de cette dernière, qui, inconsciemment, fait peser de lourdes responsabilités sur les épaules de la jeune fille en lui demandant régulièrement d’envoyer de l’argent dans son pays.

Alban Ukaj, Pablo Schils et JoelyMbundu © Christine Plenus

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Les Frères Dardenne arrivent très bien à rendre compte des conditions de vie déplorables dans lesquels se trouvent ces mineurs, et la souffrance qu’ils doivent endurer au quotidien sans broncher, juste parce qu’ils n’ont pas leurs papiers. Or, les scènes les plus violentes sont seulement suggérées et/ou mises en hors-champ, plutôt que montrées… et cela est suffisant pour comprendre leur douleur… même si Tori et Lokita demeure un film de fiction et que nous ne sommes que de simples spectateurs.

Tori et Lokita est un véritable cri de colère des frères Dardenne. Un film politique qui déclenche une intense réflexion sur tous ces sujets problématiques de notre société actuelle. Un film très noir, beaucoup plus que les précédents long-métrages des cinéastes. A voir uniquement si 1) vous êtes fan et/ou vous connaissez bien leur style 2) vous êtes particulièrement sensibles à ce genre de sujet, et curieux de voir comment il sera traité, ou 3) vous n’êtes absolument pas déprimés. L’Oreille Cinéphile vous aura prévenus !

18 / 20

Fanny BL

Le film a reçu le Prix du 75ème anniversaire du Festival de Cannes

Pablo Schils alias Tori © Christine Plenus

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