Origines, Shoah, le style biopic… Olivier Dahan nous dévoile les coulisses du film !
.
« Simone, le voyage du siècle », d’Olivier Dahan : Un pan de l’Histoire en 140 minutes
Edith Piaf dans La Môme (2007), Grace de Monaco dans Grace (2014), et aujourd’hui Simone Veil… Olivier Dahan est décidément friand de biopics, et de biopics féminins. Le réalisateur français s’attaque ici à une autre figure de taille, et achève sa trilogie avec un film nécessaire, qui rappelle avec finesse les nombreux combats de cette femme politique, sans verser dans l’encyclopédie.
.
On connaît tous Simone Veil pour son statut d’icône féministe et ses plus grands combats, comme pour l’Europe ou la mémoire de la Shoah. Mais connaît-on vraiment cette femme politique ? Avec Simone, le voyage du siècle, certains se rendront rapidement compte que non. Finalement, on avait une idée assez vague de cette ancienne ministre, qui fut aussi, entre autres, la première femme présidente du Parlement européen. Mais que savions-nous réellement de sa vie ? Qu’en est-il de son enfance et de sa jeunesse ?
Olivier Dahan creuse la question de manière adroite. A partir de l’autobiographie de Simone Veil, Une Vie (2007), il navigue entre le biopic instructif et intimiste pour raconter non seulement l’histoire d’une femme et de son travail, mais aussi d’une époque en France : celle de l’après-guerre, puis des années 60-70, de mai 68, des prémices de l’Union européenne, ou encore de la place restreinte des femmes dans une société patriarcale.
Un peu comme avec La Môme (2007), Olivier Dahan choisit une narration non-linéaire – format qui semble de plus en plus répandu dans les biopics -, avec des allers-retours permanents entre les différentes phases de vie de Simone Veil, sans respecter d’ordre précis, juste avec des temps forts qui ont marqué son existence… Une composition subtile dont l’ensemble se présente comme une sorte de mosaïque.

Rebecca Marder alias Simone Veil jeune © 2020 – Marvelous Productions / France 2 Cinéma / France 3 Cinéma
.
Le film nous rafraîchit la mémoire sur les nombreuses autres batailles menées par Simone Veil, en dehors de celle pour l’avortement : amélioration des conditions de détention – notamment pour les prisonniers de guerre en Algérie -, aides aux toxicomanes, mesures de soutien aux malades du sida, etc. Une lutte pour la dignité humaine, pour le respect de l’autre, qu’Olivier Dahan retransmet bien à l’écran. Le cinéaste brosse le portrait d’une femme forte, au caractère bien trempé, qui a dû elle-même se battre pour évoluer dans un monde exclusivement masculin.
Il y a aussi un désir de prise de conscience de la part d’Olivier Dahan : le cinéaste veut nous rappeler que, même si certains combats sont gagnés aujourd’hui (comme le droit à l’IVG), ils restent très fragiles et non pérennes, comme on a pu le constater avec ce qui s’est récemment passé aux Etats-Unis*.
Chose inattendue : le film se concentre beaucoup sur la Shoah et le temps passé par Simone Veil dans les camps de concentration. Ces passages pourraient surprendre par leur multiplicité, mais nous rappellent que ce traumatisme a grandement marqué la vie de Simone Veil, et a déterminé la personne qu’elle est devenue. L’un des thèmes forts du film est d’ailleurs l’injustice, un sentiment ressenti par Simone Veil dès l’enfance, qui a été renforcé à l’adolescence à cause de la déportation (en 1944, elle avait alors 16 ans), et déterminera tous ses combats.

Elsa Zylberstein alias Simone Veil © 2020 – Marvelous Productions / France 2 Cinéma / France 3 Cinéma
.
Passons à l’interprétation. Celle d’Elsa Zylberstein – également à l’origine du projet de ce film – est plutôt convaincante quand on sait que l’actrice a dû apprendre à « imiter » Simone Veil telle qu’on la connaît aujourd’hui, en reproduisant sa démarche, sa gestuelle et sa façon de parler. On reste toutefois un peu gênés par toutes ces prothèses qui alourdissent son visage. Le jeu de Rebecca Marder (en Simone Veil jeune) est beaucoup plus persuasif, par sa justesse, et les émotions qu’elle transmet.
Simone, le voyage du siècle est davantage un film sur la transmission que sur le fameux « devoir de mémoire », auquel Simone Veil était d’ailleurs opposée, car elle refusait de forcer qui que ce soit à se souvenir. Olivier Dahan perpétue cette démarche, à travers le portrait d’une femme moderne, en avance sur son temps. Il invite le spectateur, en particulier les jeunes, à prendre les informations, sans les obliger à se remémorer l’horreur des camps… Mission accomplie.
17 / 20
Fanny BL
.
* Le 24 juin 2022, la Cour suprême a prononcé l’annulation de l’arrêt Roe v. Wade, qui autorisait l’avortement dans tout le pays, laissant les Etats américains libres d’interdire l’IVG.

Votre commentaire