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Après Bac Nord (2021), Cédric Jimenez poursuit sur sa lancée et propose un nouveau film-enquête aux côtés des policiers, à partir d’un fait réel. Et quel fait réel… Les attentats du 13 novembre 2015 à Paris. Or, contrairement à ce que l’on pourrait craindre, Novembre s’éloigne de tout sensationnalisme pour privilégier la pudeur. On vous explique pourquoi il vaut le coup d’œil !
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Il fallait du cran pour s’attaquer à un sujet aussi sensible que celui des attentats les plus meurtriers de ces dernières décennies en France, alors que le pays panse à peine ses plaies (le procès s’est terminé en juin dernier). Quand la plupart du temps on va au cinéma pour se changer les idées, ce thème en a sûrement découragé plus d’un… On avait, nous-même, un peu d’appréhension. Et même un léger sentiment de culpabilité : va-t-on voir ce film par curiosité malsaine ? Finalement, le résultat est rassurant, et même très convaincant.
Novembre raconte la traque impitoyable des terroristes soupçonnés d’être responsables des attentats du 13-Novembre pendant les cinq jours qui ont suivi cet événement. Exit toute reconstitution morbide : le film ne porte pas sur les attaques elles-mêmes, mais sur le travail des enquêteurs dans un laps de temps restreint, la responsabilité qui leur incombe – certains terroristes étaient encore en vie et activement recherchés à ce moment-là -, et la pression ressentie face à cette obligation de résultat.

Anaïs Demoustier alias Ines © StudioCanal
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Comme dans Bac Nord, on sent qu’un vrai travail d’enquête a été réalisé en amont. Cédric Jimenez a rencontré des policiers, la brigade anti-terroriste, la BRI (Brigade de Recherche et d’Intervention), le Raid, et la SDAT, Sous-Direction Anti-Terroriste… et ça se ressent au visionnage. Face à un sujet qui doit absolument être maîtrisé, et en l’absence de toute documentation officielle (de nombreux dossiers sont restés secrets), le cinéaste ne fait aucun faux pas.
Novembre comporte de nombreux points communs ou similitudes avec Bac Nord, dans la mise en scène, mais aussi au niveau du scénario, même si, cette fois, Cédric Jimenez n’en est pas l’auteur (c’est Olivier Demangel). Comme son prédécesseur, le long-métrage plonge son spectateur en immersion totale, comme s’il était sur l’épaule d’un policier, avec une montée en puissance crescendo, et, en point d’orgue, une scène finale toujours très haletante. Même si le sujet de base (les attentats) a forcément aidé, une tension permanente s’instaure dès le début du film et reste ancrée jusqu’à la fin.
La caméra de Cédric Jimenez nous emmène là où on ne peut pas aller, tout en restant respectueuse envers l’intégrité des victimes. Ces dernières ne sont d’ailleurs quasiment jamais montrées, peut-être pas suffisamment, penseront certains. Le réalisateur a pris le parti d’angler cette histoire sur la partie enquête, avec le point de vue des autorités. C’est peut-être le seul « reproche », finalement, que l’on pourrait lui faire… Mais c’est son choix, et il est honorable malgré tout.

Lyna Khoudri alias Samia © StudioCanal
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On avait un peu peur du résultat, mais Jean Dujardin est étonnamment très convaincant en commissaire de police. Il dégage une autorité naturelle, et pour une fois, son jeu n’est ni agaçant, ni faux, en tous cas pour un drame. En revanche, Sandrine Kiberlain manque de crédibilité. On ne saurait pas vraiment expliquer pourquoi, mais elle ne fusionne pas avec son personnage. Le reste du casting, notamment Anaïs Demoustier, fonctionne bien.
Mais c’est surtout Lyna Khoudri qui éblouit, une fois de plus. Elle est impeccable dans ce rôle de témoin pourtant difficile. Après avoir fait ses preuves dès l’un de ses premiers long-métrages, Papicha de Mounia Meddour (2019), puis dans The French Dispatch de Wes Anderson (2021), il n’y a plus aucun doute : la jeune actrice ira loin.
Même s’ils s’inspirent tous deux de faits réels, Novembre est un film beaucoup moins fictionnel que Bac Nord. Par sa grande part d’enquête et son souci du détail, il prend même des allures de documentaire. Le long-métrage s’attache à montrer comment chacun peut réagir dans un état de crise majeur, en faisant référence à un événement que l’on a tous vécu de près ou de loin, gravé en nous pour toujours. Au-delà de l’enquête, il se concentre aussi sur l’humain, sans verser dans le pathos ou le sensationnel… Une belle manière de se recueillir collectivement.
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Film présenté hors-compétition au Festival de Cannes 2022
18 / 20
Fanny BL

Novembre © StudioCanal
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