« Un métier sérieux » : La critique + L’interview de Thomas Lilti

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Une nouvelle année scolaire commence, dans un collège où un groupe d’enseignants soudés se retrouvent. Ils sont rejoints par Benjamin (Vincent Lacoste), un jeune prof remplaçant qui va rapidement se retrouver confronté aux affres du métier. Au contact de ses collègues, il va découvrir combien la passion de l’enseignement demeure vivante au sein d’une institution pourtant fragilisée.

Souvenez-vous de ce prof de maths grincheux, de cet autre, passionnant, de littérature, ou encore de cet enseignant, à bout de nerfs, qui avait perdu patience, au point de projeter ses affaires au sol… On a tous en mémoire un ou plusieurs professeurs qui nous ont marqués, en bien ou en mal. Thomas Lilti réactive nos souvenirs d’écoliers – en particulier de collégiens, et nous rend nostalgiques le temps d’un film.

Vincent Lacoste et François Cluzet © Les Films du Parc – Denis Manin

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Sans verser dans l’exagération, le cinéaste redonne leurs lettres de noblesse aux enseignants. Il montre à quel point ce métier peut être exigeant et engageant, mais aussi comment il peut s’immiscer dans la vie personnelle, et par exemple, détruire un couple. Le film s’attache aussi à rappeler, avec des images « en coulisses », que les enseignants sont de simples êtres humains dotés d’émotions et de besoins, souvent en proie à la solitude. Si certains arrivent à gérer une classe entière, ils peuvent, à l’inverse, être complètement démunis face à leurs propres enfants.

A travers Un métier sérieux, Thomas Lilti dépeint une société où le respect des élèves envers les professeurs a disparu, et pointe du doigt un métier en crise, épuisé par un système éducatif en souffrance, défaillant. Cette remise en question de l’autorité est un des thèmes principaux du film, abordé avec talent et finesse. Dans ce cadre, le passage avec Enzo, un élève particulièrement coriace, est intéressant. Ce zoom sur ce personnage, et le débat qui suivra dans l’histoire, permettent de se poser les bonnes questions sur l’éducation aujourd’hui, et sur le comportement à adopter en cas de litige (spoiler alert : il n’y a pas de solution miracle).

Adèle Exarchopoulos, Vincent Lacoste, Louise Bourgoin et William Lebghil © Les Films du Parc – Denis Manin

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Mais heureusement dans Un métier sérieux, le tableau n’est pas totalement noir. En donnant la parole au personnage principal, et en proposant un film de groupe sans archétype, le réalisateur laisse une note d’espoir : non, ce métier n’est pas totalement ingrat, il a encore de l’avenir et peut être plaisant. La solidarité entre collègues et l’amour du métier sont les seuls moyens de s’en sortir.

L’autre grande force de ce film, c’est son côté ultra-réaliste et authentique. Lors du visionnage, on sent que Thomas Lilti a lu beaucoup de documents, témoignages de profs, et regardé des reportages sur le sujet. C’est ce mélange de fiction et de film quasi-documentaire qui rend le tout aussi intéressant et captivant.

William Lebghil et Vincent Lacoste © Les Films du Parc – Denis Manin

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La bande de professeurs, incarnés par Vincent Lacoste, François Cluzet, William Lebghil, Adèle Exarchopoulos, Louise Bourgoin, Lucie Zhang et Théo Navarro-Mussy, chapeautée par le principal du collège (Mustapha Abourachid) fonctionne très bien : on s’attache facilement aux personnages, et on aimerait même en savoir plus sur l’histoire personnelle de chacun d’eux. Thomas Lilti nous fait entrer dans leur intimité, et on voudrait y rester plus longtemps. Mais le cinéaste ne va pas plus loin et referme la porte. Dommage… Pas de panique : c’est peut-être le seul reproche qu’on peut faire à son film, dont la durée est largement raisonnable (1h41).

Thomas Lilti s’interroge sur comment trouver sa place, que ce soit pour un professeur ou un élève, dans la vie professionnelle comme en général. Il ne tombe pas dans la dramaturgie, et arrive à trouver un juste équilibre, en choisissant de raconter l’histoire d’un collège qui, globalement, va bien, sans pour autant que tout soit rose. Le réalisateur nous avait déjà largement convaincus avec Hippocrate et Première année. Il livre un film dans la même veine, qui ravira ses admirateurs, et séduira ceux qui le découvrent. Foncez voir Un métier sérieux : c’est la comédie française de cette rentrée.

18 / 20

Fanny BL

Adèle Exarchopoulos et Vincent Lacoste © Les Films du Parc – Denis Manin

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