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Oh, tu t’appelles Garance ? Comme dans Les Enfants du Paradis ? » Toutes les Garance ont forcément entendu cette phrase au moins une fois dans leur vie… C’est dire si ce film est une référence dans le monde du 7ème Art. Tourné sous l’Occupation allemande, et sorti en 1945, Les Enfants du Paradis raconte avec passion le Paris des années 1800, alors que le théâtre était omniprésent dans la vie de chacun… S’y ajoutent des histoires d’amour impossibles, mélancoliques et bouleversantes – dans le meilleur sens du terme.
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Autant le dire tout de suite à celles et ceux qui n’ont pas vu Les Enfants du paradis : ne vous laissez SURTOUT PAS décourager par les « 3h09 » affichées comme durée totale du film. Tout d’abord, le temps passe très vite, tant ce long-métrage est génial et prenant. Ensuite, sachez qu’il se décline en deux parties, appelées « époques » : Le Boulevard du crime et L’Homme blanc. Cela vous permettra donc de faire une pause, si vraiment vous craquez… Mais un conseil : voyez-le jusqu’au bout !
C’est dans un noir et blanc majestueux que sont posés les décors imposants du Boulevard du crime, en ouverture des Enfants du Paradis. Les scènes de théâtre et de pantomime s’enchaînent ensuite et sont de véritables mises en abyme : on est tout autant spectateur que les spectateurs du film. Le long-métrage débute d’ailleurs par une ouverture de grands rideaux, que l’on imagine rouges et de velours, et par les fameux trois grands coups frappés pour annoncer le début d’un spectacle : on est en immersion totale.

A dr. : Arletty dans le rôle de Garance
Situation amoureuse : c’est compliqué
L’histoire se déroule comme un fil sous nos yeux : on assiste progressivement à la formation d’un triangle amoureux – ou plutôt d’un quatuor, avec des sentiments partagés ou non : Nathalie (Maria Casarès), la fille du directeur du théâtre des Funambules, aime Baptiste le pantomime (Jean-Louis Barrault), qui, lui, est fou amoureux Garance (Arletty). Elle-même, femme libre et audacieuse, entame une liaison avec Frédérick Lemaître (Pierre Brasseur), comédien qui est, lui aussi, fou de Garance. Mais Garance aime aussi Baptiste en secret… sauf que le destin va les séparer plus d’une fois. Vous suivez ?
Quand on sait que le scénario et les dialogues ont été écrits par Jacques Prévert (après avoir travaillé sur quatre films de Marcel Carné), on comprend mieux pourquoi Les Enfants du paradis est extraordinaire. L’immense poète est à l’origine de quelques punchlines bien joliment tournée, que les fans connaissent sans doute par cœur, comme la réplique :
« Paris est tout petit pour ceux qui s’aiment, comme nous, d’un aussi grand amour ».
La langue française y est vénérée, même si un hommage est également rendu au cinéma muet, à travers le personnage du pantomime. Ajoutez-y une musique magnifique pour couronner le tout, signée Maurice Thiriet et Joseph Kosma (sous le nom de Georges Mouqué, Seconde guerre mondiale oblige puisqu’il était juif)… mais ce n’est pas tout justement.
Une histoire plus vraie que nature
Autre qualité : le film possède une grande part de réalisme. Le Théâtre des Funambules, où se déroulent de nombreuses scènes, a vraiment existé à Paris. Il se trouvait sur ce fameux « Boulevard du crime », surnom donné à l’ancien boulevard du Temple (aujourd’hui place de la République), avant d’être démoli en 1862, dans le cadre de la modernisation de la Capitale. A l’intérieur de ce théâtre, Marcel Carné reconstitue à merveille cette ambiance populaire qui régnait au paradis (aussi appelée « poulailler »), cette partie située tout en haut, où les places étaient – et sont toujours aujourd’hui – les moins chères. Le public qui l’occupait était très vivant, réagissait et participait activement aux représentations… On s’y croirait, tout simplement.

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La plupart des personnages du film sont également réels : Baptiste Deburau a vraiment existé, sous le nom de Jean-Gaspard Deburau : ce mime franco-bohémien avait joué dans ce même théâtre des Funambules, de 1820 jusqu’à sa mort. C’est aussi lui qui avait donné un second souffle au célèbre Pierrot, ce personnage de l’ancienne comédie italienne, vêtu de blanc, le visage enfariné, et les yeux et la bouche noirs. Enfin, Frédérick Lemaître était, lui aussi, un vrai comédien, et même l’un des plus célèbres du Boulevard du crime, entre 1820 et 1830.
Enfin, il est indispensable de parler du casting étoilé des Enfants du paradis : tout d’abord, Jean-Louis Barrault, grand nom du théâtre (déjà vu dans deux films de Marcel Carné), livre une prestation inoubliable de Baptiste Deburau, ce Pierrot mélancolique et attachant, amoureux transi de Garance. Ses numéros de pantomime sont à vous couper le souffle… Cet art n’est d’ailleurs pas un secret pour Jean-Louis Barrault, puisqu’il l’a pratiqué dès ses débuts à l’âge de 25 ans. Pour compléter ce triangle de talents, l’acteur est entouré de deux autres grandes pointures : Arletty et Pierre Brasseur.

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Sans surprise, Les Enfants du paradis possède le titre de « meilleur film français de l’histoire du cinéma », attribué par l’Académie des César dans les années 1980. Il a aussi rencontré un immense succès dès sa sortie en 1945, attirant 4,7 millions de spectateurs en France, et restant à l’affiche pendant 54 semaines. Mais ce que l’on a tendance à oublier, c’est que ce chef-d’œuvre de poésie est aussi reconnu à l’international, puisqu’il avait été nommé pour l’Oscar du meilleur scénario original en 1947. Tous ces éléments confirment que Les Enfants du paradis est un incontournable du 7ème Art, de manière universelle, et qu’il faut l’avoir vu au moins une fois dans sa vie… Voire dix ou vingt, si vous en avez envie.

Fanny BL
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