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La sénilité et la perte de la mémoire : tels sont les grands thèmes de The Father, premier long-métrage épatant du Français Florian Zeller. Le film n’a déjà plus besoin de faire ses preuves : en plus d’avoir été sélectionné dans de nombreux festivals à travers le monde, il a multiplié les récompenses, dont deux Oscars et deux BAFTA… On lui en aurait même donné plus.
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The Father raconte la trajectoire intérieure d’un homme de 81 ans, Anthony (Anthony Hopkins), qui perd peu à peu la mémoire. Sa fille, Anne (Olivia Colman), doit l’héberger chez elle et s’en occuper quasiment toute seule, le temps de trouver une solution. L’idée de placer son père vieillissant dans une maison de retraite lui brise le cœur. Elle tentera de l’accompagner comme elle le pourra lors de cette période difficile.
« La vieillesse est un naufrage ». Cette fameuse citation du général de Gaulle – employée dans son livre Mémoires de guerre en 1954 -, prend tout son sens dans The Father. D’abord metteur en scène au théâtre, Florian Zeller a adapté au cinéma sa propre pièce, Le Père (2012), jouée en France et dans le monde entier, et auréolée de nombreux prix, dont des Molières (dont celui de la meilleure pièce en 2014). Son premier film ressemble d’ailleurs en tous points à une pièce de théâtre, puisqu’il se déroule quasiment tout le temps à huis clos, dans le même appartement. Les nombreux plans sur les portes, les couloirs et décors du lieu renforcent le sentiment d’enfermement, et l’idée du repli sur soi-même.

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The Father rappelle beaucoup Falling de Viggo Mortensen (en salles depuis le 19 mai), avec une histoire similaire et des thèmes identiques : la mémoire, la vieillesse, la démence. Tout comme Viggo Mortensen, Florian Zeller essaye de nous montrer le point de vue de la personne âgée en nous faisant entrer dans sa tête, mais d’une manière différente, peut-être plus réaliste que son comparse américain. Dans The Father, le spectateur est beaucoup plus trompé et « baladé » – pas forcément dans le mauvais sens du terme -, grâce au procédé de répétition des scènes : une situation identique, mais toujours un élément ou un personnage différent. Au fur et à mesure, on a nous-même du mal à discerner la réalité de la « fiction », et on finit par être aussi troublés que le vieil homme. Mission accomplie pour Florian Zeller.
Le spectateur suit la dérive d’Anthony pas à pas, et l’accompagne dans sa souffrance psychologique. Il assiste, impuissant, à sa dégénérescence. Cet état affaibli est inévitable. Il nous arrivera d’ailleurs à tous. C’est le fameux memento mori, qui signifie en latin « Souviens-toi que tu vas mourir »… Un concept très souvent utilisé dans le domaine artistique. The Father est présenté au spectateur comme une gigantesque vanité – le fameux crâne de squelette, représentation allégorique de la mort. Parfois, Anthony se comporte comme un enfant : c’est encore une manière, pour le réalisateur, de nous rappeler que l’homme est né poussière et qu’il redeviendra poussière.

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Sans surprise, Anthony Hopkins (Les Deux Papes) est magistral dans le rôle de cet octogénaire victime de troubles de la mémoire, notamment dans une scène finale particulièrement touchante, point d’orgue de sa prestation. L’acteur de 83 ans a amplement mérité son Oscar – le deuxième de sa carrière après Le Silence des agneaux en 1992 – et son BAFTA 2021, même si ce pape du cinéma n’a plus à prouver son talent depuis bien longtemps.
Florian Zeller filme avec tendresse et bienveillance la solitude d’un homme, plus ou moins proche de la mort, qui se trouve dans un déni total de la réalité (il affirme constamment qu’il « peut se débrouiller tout seul »), et en proie à ses propres démons, ses délires, qui le rendent parfois paranoïaque – il est tout le temps persuadé qu’on lui a volé sa montre, autre symbole fort du temps qui passe. The Father, qui aborde aussi la relation père-fille (Olivia Colman est impeccable) et l’amour qui persiste malgré l’amertume envahissante du paternel, attendrit et bouleverse. Les âmes sensibles auront un peu de mal à s’en remettre.
18 /20
Fanny BL

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