[Oscars 2021] « Nomadland » : les plus démunis à la loupe de Chloé Zhao

Découvrez la critique du film en podcast :

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Lion d’or à la Mostra de Venise 2020, puis trois Oscars, deux Golden Globes, et quatre BAFTA: Nomadland est LE film multirécompensé de 2021. Autre prouesse : Chloé Zhao est la deuxième femme, après Kathryn Bigelow, à décrocher l’Oscar de la meilleure réalisation. La cinéaste chinoise filme avec pudeur et sobriété les nomades du XXIème siècle, ces éclopés de la vie en décalage avec la société. Immanquable.

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Après l’effondrement économique de la cité ouvrière du Nevada où elle vivait, Fern (Frances McDormand) décide de tailler la route à bord de son van aménagé. Elle adopte une vie de nomade des temps modernes, en rupture avec les standards de la société actuelle, à la découverte des vastes étendues de l’Ouest américain. Fern rencontrera d’autres nomades, qui seront tour à tour des camarades, des mentors, et des compagnons de route.

Ce qui frappe avant tout dans Nomadland, c’est la véracité de son récit. Quand on sait que ce dernier est tiré du livre Nomadland : Surviving America in the Twenty-First Century, écrit par la journaliste Jessica Bruder (2017), qui a suivi des seniors devenus précaires suite à la crise financière de 2008, on comprend mieux l’aspect documentaire de ce film, même s’il reste fictionnel. Autre point : la majorité des personnes vues à l’écran ne sont pas des acteurs professionnels. Ils sont de simples êtres humains, et livrent des témoignages émouvants sur leurs conditions de vie difficiles, ce qui permet au spectateur de s’identifier et se projeter plus facilement, même sans être américain.

Frances McDormand dans le rôle de Fern – Copyright SEARCHLIGHT PICTURES

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De l’humain, Chloé Zhao en a toujours été proche. Dans ses deux premiers longs-métrages, Les Chansons que mes frères m’ont apprises (2015) et The Rider (2018), elle racontait déjà les histoires « vraies » des petites gens, avec un questionnement sur leur place dans la société – en particulier américaine – et leur rapport avec leur nation. Le thème de l’attachement à une communauté était déjà là, lui aussi : dans son premier film, il s’agit d’une tribu d’Amérindiens, et dans le deuxième, d’un groupe de cowboys. Dans Nomadland, ce qui découle de la communauté de nomades, c’est la solidarité qui se crée entre eux. Ensemble, ils se serrent les coudes pour tenter de survivre. La réalisatrice fait de cet élément l’un des fils rouges de son film.

Frances McDormand, également productrice du long-métrage, incarne à merveille le personnage solitaire et robuste de Fern, même si elle était encore plus percutante et troublante dans Three Billboards : Les Panneaux de la vengeance, pour lequel elle avait reçu son deuxième Oscar de la meilleure actrice en 2018, avant la troisième statuette obtenue en avril dernier pour ce rôle-ci.

Comme certains le savent sans doute, Frances McDormand n’est pas du genre à faire les choses à moitié. La preuve : l’actrice américaine a réellement sillonné les routes des États-Unis à bord d’une camionnette pendant quelques mois pour mieux préparer son rôle, et a même enchaîné les petits boulots aux côtés de vrais ouvriers – la plupart du temps sans être reconnue. Cet énorme travail fourni en amont se ressent pleinement dans son jeu, et rend ce dernier d’autant plus authentique.

Linda May et Frances McDormand – Copyright Walt Disney Company

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Chloé Zhao filme son personnage principal, et les autres, au plus près. Avec cette caméra braquée sur le visage de Fern, la cinéaste nous fait entrer dans son quotidien et son intimité. Ce van (auquel elle a donné un prénom) est le vrai héros de Nomadland : il est la maison, le cocon de Fern, son seul repère dans cette vie abîmée, vidée de tout : mari, emploi, maison.

En opposition à ces plans rapprochés : des panoramas contemplatifs sur les paysages de l’Amérique, et ses grands espaces naturels, en mode carte postale géante. Une photographie signée Joshua James Richards, fidèle collaborateur de Chloé Zhao. Les longues routes parcourues par Fern dans son van symbolisent à la fois sa recherche d’identité et sa quête personnelle. C’est pourquoi il est important de voir ce film sur un grand écran. C’est pourquoi il est important de voir ce film, tout court.

16 / 20

Fanny BL

Frances McDormand – Copyright SEARCHLIGHT PICTURES

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