« Les Passagers de la nuit » : La critique du film + L’interview de Mikhaël Hers

Années 80, Paris, émissions de radio nocturnes, casting… Mikhaël Hers nous dit tout dans ce podcast !

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« Les Passagers de la nuit » de Mikhaël Hers : Vibrant hommage au Paris des années 80

Charlotte Gainsbourg dans la peau d’une standardiste de nuit à la radio dans les années 1980 : c’est le point de départ du nouveau film de Mikhaël Hers, Les Passagers de la Nuit, quatrième long-métrage du cinéaste après le bouleversant Amanda (2018). Le concept était attrayant : le résultat s’avère satisfaisant. On vous explique pourquoi.

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Paris, au lendemain de l’élection de François Mitterrand comme président. Elisabeth (Charlotte Gainsbourg) vient d’être quittée par son mari et doit gérer ses deux adolescents avec peu de moyens. Elle trouve du travail dans une émission de radio de nuit présentée par Vanda Dorval (Emmanuelle Béart), et va faire la connaissance de Talulah (Noée Abita), jeune fille désœuvrée qu’elle va prendre sous son aile.

Le métro aérien, les grandes tours, en contrebas la Seine… et puis, comme régnant sur ce petit royaume, la Maison de la Radio, reconnaissable par son architecture et son célèbre logo… Pas de doute : nous sommes bien dans le XVème arrondissement de Paris, plus particulièrement dans les années 80. Mikhaël Hers arrive à reconstituer cette époque de manière très subtile et sensorielle. L’image, filmée avec une caméra Bolex, comporte un grain particulier qui permet tout de suite ce voyage dans le temps. Les images d’archives ne sont pas dérangeantes, et se rajoutent de manière naturelle aux autres plans.

Comme dans la chanson de Joséphine Baker, Mikhaël Hers a deux amours. D’abord, la radio. L’idée de tourner une molette pour passer d’une station à l’autre, d’entendre des voix s’élever dans l’espace, et de se dire que d’autres auditeurs entendent les mêmes voix au même moment, produit un phénomène un peu magique, que peu de gens savourent encore aujourd’hui, avec l’évolution des pratiques d’écoute due au succès des plateformes. Mikhaël Hers nous transmet une sensation de paradis perdu, même si elle sera probablement ressentie différemment par les moins de 20 ans.

Charlotte Gainsbourg et Emmanuelle Béart © Pyramide Distribution

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Autre objet de convoitise pour Mikhaël Hers : Paris. Comme dans ses précédents longs-métrages, dont Amanda, il filme toujours aussi bien la Capitale. Il déconstruit les clichés négatifs qui y sont rattachés, et nous la montre sous un aspect nouveau, en particulier quand il la filme de nuit, ou au petit matin. On sent un lien très fort entre le cinéaste et cette ville.

Dans ce nouveau film, la temporalité est un peu différente par rapport aux précédents : elle est plus étalée, puisque le récit se déploie sur sept ans, divisé en trois parties : 1981, 1984et 1988. D’habitude, les films de Mikhaël Hers sont très circonscrits dans le temps. Mais ici, la narration relève davantage de la saga. Un véritable hommage aux années 80, au-dessus duquel plane un sentiment de mélancolie, sans pour autant basculer dans la nostalgie pure du « c’était mieux avant », surtout quand on sait que le cinéaste était encore enfant à cette époque.

Quito Rayon Richter et Noée Abita © Pyramide Distribution

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Mikhaël Hers arrive à capter et retranscrire les failles et blessures de ses personnages. Pour les incarner, il a sélectionné un casting de qualité. Charlotte Gainsbourg, dont on n’est pas trop fan habituellement, remplit ici impeccablement sa mission d’actrice. Le rôle d’Elisabeth lui sied à merveille, celui de cette femme à la fois forte et fragile, dotée d’une grande sensibilité, qui devra se battre pour traverser des épreuves de la vie, comme une rupture amoureuse, la recherche d’emploi, ou encore la charge de deux adolescents.

Charlotte Gainsbourg donne la réplique à une jeune pousse pleine d’avenir, Noée Abita, révélée par Ava de Léa Mysius (2017), puis nommée au César 2022 du meilleur espoir féminin pour sa prestation très réussie dans Slalom de Charlène Favier (2021). Autre valeur sûre : Emmanuelle Béart dans le rôle d’une chroniqueuse radio, au profil un peu mystérieux, puisqu’on ne sait finalement pas grand-chose de ce personnage. Un trio féminin mis à l’honneur à travers ces trois portraits, trois femmes à des stades différents de leur vie, chacune essayant de gérer son propre naufrage.

Noée Abita et Charlotte Gainsbourg © Pyramide Distribution

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Deux thèmes apparaissent en filigrane de l’œuvre de Mikhaël Hers (déjà très forts dans Amanda) : la disparition et le deuil, sous toutes ses formes. Il est intéressant de voir quel cheminement le cinéaste décide de donner à chacun de ses personnages, pour se reconstruire après un choc émotionnel comme une rupture amoureuse, ou une épreuve physique comme une maladie grave. Et eux, comment ont-ils fait ? Ces thèmes nous touchent par leur véracité et leur proximité avec la réalité. Car après tout, des coups durs, on en a tous eu au moins une fois dans notre vie.

Sans être forcément LE chef-d’œuvre de l’année, Les Passagers de la nuit brille par sa simplicité – dans le bon sens du terme -, son lyrisme et sa tendresse. Les amoureux de la radio pourront connaître un retour aux sources, tandis que les plus jeunes seront en pleine (re)découverte. A travers un hommage vibrant au Paris des années 80, Mikhaël Hers célèbre le passé à l’aune du présent. Sa chronique familiale, empreinte de poésie et de délicatesse, laissera dans votre esprit un sentiment agréable, longtemps après le visionnage.

16 / 20

Fanny BL

Charlotte Gainsbourg © Pyramide Distribution

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